dimanche 9 octobre 2011

Knowledge Development: une des leçons de l'Afghanistan pour l'OTAN

L'approche globale

Lors d'un récent entretien, le général américain Stanley McChrystal, ancien chef de la coalition de 2009 à 2010, s'est montré particulièrement critique sur les résultats obtenus en Afghanistan. Libéré de son devoir de réserve parce qu'il a quitté le service actif, il note que seulement 50% du travail a été fait et plus important encore, il dénonce les lacunes graves concernant la connaissance du pays et de sa culture qui, pour lui, perdurent encore aujourd'hui dans l'armée américaine. L'insurrection afghane a en effet remis en exergue la nécessité d'obtenir du renseignement autre que militaire pour s'y opposer. C'est sur cette base de réflexion que l'OTAN a défini une approche globale et éditer en août 2008 un concept "knowledge development" (KD).

Source: defense.gouv.fr

le Knowledge Management (la gestion de connaissances) du militaire

Le knowledge development ou développement de la connaissance est un processus qui se veut collaboratif et itératif. Il assure la collecte de données et d'informations, leurs analyses et le partage des connaissances ainsi obtenues. La complexité des crises actuelles, qui combinent régulièrement différentes menaces, engendre un besoin en information qui dépasse largement le seul domaine militaire. Dans ce cadre, le Knowledge development définit une nouvelle approche pour la collecte des données en utilisant les compétences internes à l'OTAN mais aussi en sollicitant les organisations civiles ou non gouvernementales. Ces données sont ensuite synthétisées dans le but de fournir, aux niveaux stratégique et opératif (théâtre d'opération) des informations exploitables de natures variées: Politique, Militaire, Economique, Social, Infrastructure, Information PMESII. Le principal objectif de cette démarche est d'apporter une meilleure compréhension de l'environnement opérationnel dans les phases de planification et de conduite des opérations.
3 étapes commandent ce processus:

Source CICDE
  1. l'acquisition de l'information: celle-ci s'appuie essentiellement sur les sources dites ouvertes (internet, presse, thèse, etc.) mais aussi sur les organisations qui évoluent dans la zone d'intérêt de l'OTAN.
  2. l'analyse: c'est l'analyse systémique qui est mise en oeuvre pour étudier les intervenants (adversaires, adversaires potentiels, neutres, etc.) dans leur environnement.
  3. le transfert de la connaissance: la connaissance acquise doit être accessible facilement pour la bonne personne, au bon moment et au format approprié tout en respectant les règles de confidentialité lorsque cela s'avère nécessaire.
Irriguer l'OTAN

Le concept du KD date donc de 2008. Depuis, l'OTAN a édité mi-2009 un projet de knowledge development handbook (manuel du KD) dans lequel une organisation est proposée pour réaliser cette nouvelle fonction. 3 niveaux sont ainsi définis:
  1. le Knowledge Management Center (KMC) pilote la chaîne KD.
  2. le Knowledge Development Center (KDC) assure la collecte d'informations et leur analyse au niveau stratégique.
  3. le Knowledge Center (KC) apporte au niveau opérationnel son expertise issue de ses capacités propres d'analyse mais aussi des données issues de la chaîne KD.
Le processus KD est aujourd'hui partie intégrante de la planification opérationnelle de l'OTAN et les programmes de formation ont été actualisés depuis 2010 dans les écoles (Oberammergau et Ankara). 

Risques et opportunités


  • Comme on l'a vu précédemment, le démarche KD s'appuie sur l'utilisation massive de sources ouvertes pour des recherches quasiment dans toutes les directions. Le risque est grand, aujourd'hui d'être débordé par le flot de données généré par cette collecte. Cela implique donc de fournir les ressources humaines adéquates mais aussi les outils pour gérer ces données. La priorité sera, néanmoins, de savoir fixer précisément les besoins, notamment en définissant les zones d'intérêt stratégique.
  • Autre difficulté, la gestion de la confidentialité est nécessairement complexe. En effet, l'accession aisée à l'information est contradictoire à son aspect confidentiel. De plus, le nécessaire dialogue avec les organisations civiles, étatiques ou non gouvernementales se traduit inévitablement par un échange de données. Il est alors primordial de définir quelles informations peuvent être partagées avec ces intervenants.
  • Enfin, il apparaît que le niveau tactique n'est pas représenté  dans la chaîne KD. Cependant, c'est bien sur le terrain que les contacts se font le plus couramment avec les organisations actives dans la zone d'intérêt, les représentants de l'Etat, etc. La force est comme souvent un des principaux vecteurs de collecte de données.

Après avoir rejoint le commandement intégré de l'OTAN, la France est nécessairement partie prenante de ce nouveau processus. Elle doit donc adapter ses structures militaires pour l'assimiler et ainsi préserver sa capacité à conduire des opérations au sein de l'Alliance Atlantique. C'est donc l'opportunité  pour elle de développer une capacité d'influence dans l'OTAN en s'appuyant sur son héritage historique: "Conduire d'un même geste l'effort économique et politique: l'action civile et l'action militaire ont pour lien la simultanéité" le maréchal Lyautey au Maroc.


Source:
http://www.jwc.nato.int/article.php?articleID=366
http://www.cicde.defense.gouv.fr/spip.php?article614

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire