dimanche 16 septembre 2012

L'armée américaine face à l'ennemi intérieur

La guerre en couleurs:

Depuis quelques mois, nous assistons à un accroissement très significatif des attaques de type "green on blue". Ce vocable otanien désigne des attaques sur les forces de la coalition (blue) par l'armée qu'elle est sensée appuyée (green), l'ennemi étant sans surprise red. La plupart des pays participant à l'ISAF a été confrontée à une action de ce genre. Les Américains, sans doute de part leur nombre, ont subi le plus de pertes de la coalition, les Français sur la FOB de Gwan ont payé un lourd tribut avec 5 soldats tués en janvier 2012 , et dernièrement les Australiens ont perdu 3 des leurs. Les forces de sécurité afghanes n'échappent pas à cette menace puisqu'elles subissent plus de pertes que l'ensemble de la coalition lors de "green on green" comme le relevait le journaliste nicolas Ropert.

crédit photo: Majid Saeedi / Getty Images

Comprendre pour éviter l'impair

Alors que l'on constate cette augmentation de "green on blue", le nombre de pertes liées aux attaques d'IED* - Improvised Explosive Device - est lui en baisse par rapport aux années précédentes. De là à dire que les Taliban ont fait de ces attaques de l'intérieur leur principal mode opératoire, il y a un pas que le général Allen n'est pas encore prêt à franchir. Evidemment, les meurtres de soldats alliés par l'armée qu'ils sont venus soutenir peut s'expliquer par l'infiltration de celle-ci par des éléments insurgés. Cependant, le commandant en chef de l'ISAF évalue cette hypothèse à 25% uniquement des cas recensés. Cela laisse supposer que les autres attaques résultent de vexations et d'incompréhension entre aidant et aidés ou encore l'appât du gain comme ce fut le cas à l'aéroport de Kaboul l'an dernier lorsqu'un pilote de l'armée de l'air afghane a abattu 8 instructeurs et un civil américain. La famille de celui-ci certifiait qu'il n'avait aucun lien avec l'insurrection et expliquait son geste par des problèmes financiers.
Fin février 2012, des soldats américains ont brûlé 500 copies du Coran et prêt de 1200 textes religieux à Bagram, provoquant ainsi des troubles meurtriers. L'armée américaine a aussitôt diligenté une enquête et après 6 mois d'investigation, elle considère que cet autodafé n'était pas intentionnel et résulte d'une profonde méconnaissance de la culture afghane et de la religion musulmane. Cependant, il est toujours surprenant qu'un des fondamentaux de la guerre contre insurrectionnelle ne soit toujours pas intégré par les forces américaines (mais pas seulement cf. soldats allemands jouant avec des ossements) après plus de dix ans de présence en Afghanistan. Pour remédier à cela, l'armée américaine a sensiblement accru le temps consacré aux us et coutumes afghans dans la préparation des troupes en instance de déploiement.

Manifestation à Bagram suite aux Corans brûlés - crédit: AP

L'ennemi intime

Bien que ces attaques  green on blue soient préoccupantes, les pertes qu'elles engendrent restent sans commune mesure avec un phénomène bien plus pernicieux. En effet, l'armée américaine connaît une recrudescence du nombre de suicides parmi les troupes déployées en Afghanistan. 154 soldats seraient ainsi passés à l'acte sur les 155 premiers jours de l'année 2012 ce qui dépasserait de plus de 50% les pertes américaines en Afghanistan dans la même période. "Selon le Medical Surveillance Monthly Report du Pentagone (numéro de mai 2012), 26,4 % des soldats américains ayant perdu la vie en 2011 sont ainsi morts au combat, 19,5 % par suicide et 17,3 % lors d'accidents de la circulation. Il y a cinq ans, en 2006, 40,5 % étaient morts au combat, 24,3 % au cours d'accidents de la route et seuls 11,4 % s'étaient suicidés" cite le journal Le Monde. Ce qui inquiète le plus c'est que ces chiffres augmentent fortement par rapport à 2010 et 2011 alors même que les autorités ont mis en place de nombreuses mesures pour enrayer cette spirale comme le montre le Army suicide prevention program. Le pentagone avoue ainsi ne pas connaître l'efficacité des politiques de prévention.

Crédit US Army

"Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis je m'en charge!"

Le suicide n'est malheureusement pas le seul phénomène destructeur interne avec lequel l'armée américaine doit composer. Un documentaire "the invisible war" , sorti en juin de cette année, dénonce l'importance des viols et agressions sexuelles au sein de l'institution militaire américaine. Ainsi, 3200 agressions à caractère sexuel ont été rapportées en 2011 et il est fort probable que bien davantage aient été commises car il est souvent compliqué pour la victime de s'exprimer sur de tels actes. Le documentaire pointe également l'omerta qui recouvre généralement ce type de crime, l'armée étouffant la plupart de ces affaires. Le problème est loin d'être récent puisque toujours d'après ce documentaire, on estime à 500000 le nombre de femmes agressées depuis la fin de la seconde guerre mondiale au sein de l'armée américaine. Le problème a pris une telle ampleur que l'on estimait qu'une femme soldat en Irak avait plus de probabilité d'être agressée par un de ses camarades plutôt que d'être tuée par l'ennemi comme le rapporte le Guardian. S'il s'agit prioritairement d'un problème touchant les femmes, les hommes ne sont pas à l'abri puisque le Veterans Affairs office révèle que 37% des military sexual trauma concernaient des hommes.
Bien que mise en accusation par le documentaire cité supra, l'armée américaine a pris conscience de l'ampleur du phénomène en créant en 2004 le Sexual Assault Prevention and Response Office. De nombreux programmes de prévention sont mis en oeuvre et des manuels sont distribués aux unités chacune d'entre elles relayant le message.




Comme pour les suicides, il est aujourd'hui difficile pour les autorités américaines d'évaluer l'efficacité des moyens mis en œuvre. Plusieurs enquêtes semblent démontrer que les caractéristiques du métier de soldat sont propices au développement de ces fléaux. L'enjeu est d'importance pour l'armée américaine car bien après le retour programmé d'Afghanistan en 2014 qui mettra naturellement fin aux green on blue, elle aura encore à se battre contre ses propres démons.


* 3 principaux facteurs peuvent expliquer la baisse des pertes liées aux IED. Tout d'abord, les Taliban ont clairement indiqué leur volonté de cibler davantage et en priorité les forces de sécurités afghanes. Deuxième explication, la coalition s'est davantage focalisée sur la conception des IED et a fait des concepteurs l'un de ses principaux objectifs. Enfin, les techniques de détection et de protection ont fait de sensible progrès forçant les insurgés à modifier la conception de leurs pièges.

vendredi 24 août 2012

Ross Castle l'histoire d'une auto-intoxication

La rentrée s'annonce et pour relancer quelque peu ce blog aux billets erratiques ces derniers temps quoi de mieux que de parler de ses vacances. Chanceux comme je suis, j'ai découvert les vertes contrées de l'Irlande, évitant tout à la fois la cohue des touristes et la canicule du Sud de la France. Lors de ce périple en terre celtique, j'ai pu constaté l'omniprésence des marques du passé: de la romantique abbaye et de son cimetière en bord de mer aux vestiges de quelques châteaux en passant par la reconstitution d'un Trois-Mâts transportant les émigrés plein d'espoir vers l'eldorado américain (aujourd'hui le voyage semble se faire davantage dans l'autre sens au regard du nombre impressionnant de touristes américains parcourant l'île).

Abbaye de Ballinskelligs - collection personnelle

C'est au Sud-Ouest de l'Irlande, dans le très fréquenté Ring of Kerry, et près de la ville de Killarney que l'on peut découvrir Ross Castle. Certes, le cadre est enchanteur et les vestiges sont impressionnants mais c'est bien l'anecdote historique qui l'accompagne qui retient l'attention.
Le château fut construit au XVème siècle au bord du Lough Lein (lac Leane) en gaélique "lac du savoir" par le clan O'Donoghue. L'île est pétrie de contes et de légendes et l'une d'entre elles prétend qu'O'Donoghue tomba de la fenêtre de la plus haute chambre de sa demeure et il disparut dans les eaux du lac avec son cheval (que faisait-il dans cette chambre me direz vous?) sa table et sa bibliothèque. Il vivrait depuis dans un palais sous l'eau d'où il observerait tout ce qui se passe.
Une autre prophétie entoure la création de la forteresse, celle-ci ne tomberait jamais tant qu'une attaque ne serait pas menée par le lac. 

Ross Castle - crédit inconnu
Pour en revenir à l'histoire, le château, alors demeure des comtes de Kenmare fut un des derniers à résister aux troupes d'Oliver Cromwell lors des guerres confédérées irlandaises. Lord Muskerry (MacCarty) qui tient le château fait face aux 4000 hommes et 200 cavaliers du général Ludlow. Lorsque ce dernier décide de faire venir ses renforts d'artillerie par bâteau, les défenseurs du château y voit le signe que la prophétie se réalise. Ils décident aussitôt de se rendre sans combattre... Une victoire sans frais pour Ludlow.

Au delà du gag historique, cette anecdote rappelle l'intérêt de glaner le maximum d'information sur son adversaire dans le cadre d'une approche globale pour pouvoir l'utiliser contre lui. L'utilisation de ces navires (même si elle n'était pas préméditée) a ainsi permis d'éviter une confrontation directe et un siège long et coûteux en vie humaine pour l'armée de Ludlow.

Il ne reste plus dorénavant qu'à trouver les prophéties qui expliquent comment règler la problématique des Taliban en Afghanistan, de la guerre civile en Syrie, d'AQMI dans le Sahel, etc...
Enfin, je vous invite à découvrir l'Irlande tant les paysages sont exceptionnels et la population chaleureuse, bonne visite...

Irlande - collection personnelle


mercredi 4 juillet 2012

Une armée de secouristes

87 morts et plus de 700 blessés, tel est le dernier bilan - sans doute pas définitif malheureusement - des opérations menées par l'armée française en Afghanistan. Depuis 2008, les pertes ont sensiblement augmenté, reflétant l'implication croissante de la France dans le pays. Les troupes déployées à Kaboul et essentiellement dans la province de Kapisa sont depuis lors confrontées régulièrement aux attaques des insurgés et notamment durant l'été, période durant laquelle les prises à partie sont quasi quotidiennes - hors des pauses opérationnelles décrétées par le pouvoir politique.

Le service de santé des armées (SSA) en action
L'intensité des actions de feu a rapidement conduit au déploiement des moyens performants du SSA. Un hôpital de campagne est installé sur l'aéroport de Kaboul ou Kabul International Airport (KAIA) - il était situé sur le camp de Warehouse avant 2008. Très bien équipé, les médecins et chirurgiens qui y servent peuvent pratiquer un grand panel d'opérations chirurgicales. Précisons ici que cet hôpital reçoit  et permet de soigner aussi bien des membres de la coalition - civils comme militaires - des civils afghans mais aussi des insurgés le cas échéant.

HMC KAIA crédit: defense.gouv
 
Lorsque l'état du blessé le nécessite ou que le nombre de patient à traiter est élevé, les soignants de KAIA stabilisent et préparent les soldats à leur rapatriement. L'évacuation vers la France peut être très rapide - dans les 24 heures - grâce au dispositif MORPHEE ou à des Falcon médicalisés. Les blessés sont ensuite pris en charge par l'hôpital militaire de Percy et ses spécialistes.
Cette chaîne médicale  qui comprend également les infirmiers et brancardiers secouristes des unités, s'avère  performante et a déjà fait la preuve à maintes reprises de son efficacité. Elle permet de sauver bon nombre de situation extrêmement compliquées, donnant l'opportunité aux blessés de se reconstruire comme dans le cas du sergent-chef Truchet. Bien qu'ayant été amputé d'une jambe, il a réussi l'exploit de gravir l'aiguille du midi.


Un premier maillon essentiel
Le premier maillon de cette chaîne n'appartient cependant pas au SSA. Fort logiquement, les armées ont rendu obligatoire le suivi de la formation prévention et secours civiques de 1er niveau (PSC1) dans chaque cursus. Bien évidemment, cette qualification civile s'avère insuffisante pour traiter les blessures du champ de bataille. C'est pourquoi, le SSA, en lien avec le commandement des forces terrestres (CFT), a défini une formation au secourisme de combat à deux niveaux. Le deuxième niveau s'adresse aux auxilliaires sanitaires alors que le premier niveau - qui nous intéresse - concerne chaque combattant. Cette formation leur permet de réagir au mieux aux blessures occasionnées par le combat, fusillade, IED, etc. Et ce sont ces premiers réflexes qui souvent conditionnent les chances de survie des blessés. le geste approprié plutôt qu'une technique complexe, voilà la philosophie qui prédomine. Il s'agit de mettre à l'abri des combats par un dégagement d'urgence puis d'évaluer rapidement l'état du blessé: hémorragie, conscience, respiration, alerter par un message formaté et faire les tous premiers soins.

Dégagement d'urgence crédit: 13ème DBLE



L'urgence du combat a d'ailleurs remis au goût du jour l'utilisation du garrot pour toute hémorragie importante. Ce garrot dont la pose ne fait plus partie des formations initiales civiles (PSC1)  a, d'après une étude américaine , permis de décroître de près de 30% la mortalité des soldats souffrant d'une hémorragie. Partant du principe qu'il vaut mieux sacrifier un membre plutôt que de perdre la vie, le SSA équipe chaque soldat en opération d'un garrot tourniquet et d'une trousse individuelle du combattant contenant morphine, pansement compressif et autres antiseptiques.  
Pour être pleinement efficace, le secourisme au combat rappelle que ces gestes ne seront que plus utiles si l'on s'attache à rassurer en permanence le blessé, qui dans le contexte en aura bien besoin.

trousse individuelle du combattant - crédit inconnu

Syndrôme du Stress Post Traumatique

Il y a enfin ces cas où le secourisme de combat est inopérant. Néanmoins, le SSA sensibilise chaque combattant au syndrôme de stress post traumatique (SSPT) et aux symptômes qui y sont associés. Les Américains après la guerre du Vietnam ou encore les Israëliens après la guerre du Kippour ont défini qu'il faut compter environ deux blessés psychiques pour un blessé physique - lors de la guerre du Kippour 900 des 1500 premiers évacués du front étaient des blessés psychologiques.
ce SSPT est une pathologie particulièrement insidieuse. L'armée française a mis en place un sas de décompression à Chypre pour tenter de détecter les différents cas au retour d'Afghanistan. Cependant, l'une des meilleures façons de les percevoir reste la solidarité, celle qui au sein des armées doit inciter à s'intéresser à son frère d'armes et à savoir demander de l'aide pour eux. Tous secouristes donc...

mercredi 20 juin 2012

Force amphibie et défense européenne

Faire des économies

C'est la crise ma bonne dame, on vous le dit depuis plus de quatre ans déjà! 
Les caisses sont vides et la dette pèse toujours plus sur les finances publiques. Dans ce contexte particulièrement morose, l'ensemble des ministères - l'éducation nationale dans une moindre mesure - doit participer à l'effort national. Cependant, dès la fin de l'élection présidentielle, plusieurs voix - Martine Aubry (PS), Jean-Vincent Placé (EELV) et Michel Rocard (PS) - se sont fait entendre pour que la défense contribue encore davantage à cette cure d'amaigrissement budgétaire. En cela, ils ne sont pas différents de la majorité des Français selon plusieurs sondages. Néanmoins, ces prises de position sont en décalage avec les déclarations du candidat et futur président François Hollande qui certifiait que la défense n'allait pas être la variable d'ajustement et qu'elle participerait ni plus ni moins à l'effort collectif. Et pour permettre au ministère de faire des économies, le nouveau ministre de la défense souhaite relancer le "serpent de mer" de la défense européenne toujours léthargique.
Il est vrai comme on a pu le voir avec l'EATC que la collaboration européenne permet de combler une lacune capacitaire ou de partager le coût de fonctionnement de matériels lourds.

Une vraie force amphibie française

Indice de la puissance militaire, la force amphibie et la capacité à déployer un corps expéditionnaire nécessitent d'important moyens. Et dans ce domaine, la France fait encore bonne figure grâce notamment à la livraison de trois BPC - Mistral, Tonnerre et Dixmude - et l'arrivée récente des Engins de Débarquement Amphibie Rapide EDA-R. Si on ajoute à cela un Transport de Chaland de Débarquement TCD et les Chalands de Transport de Matériel CTM, la France peut armer des groupes ou forces amphibies allant de 310 personnes avec 1 BPC  à une force de 1400 Hommes avec 3 BPC et 1TCD.

EDA-R crédit: défense.gouv
 

Les forces de débarquement sont fournies par la division aéromobile du commandement des forces terrestres, la 6ème Brigade légère Blindée et la 9ème Brigade d'Infanterie de Marine. La France a, en effet, opté pour l'interarmée en matière d'amphibie, à la différence des Etats-Unis notamment et de leurs Marines. Cela présente l'avantage d'un plus grand réservoir de troupe capable de réaliser ce type d'opération. L'inconvénient réside dans le nombre plus important d'unités à entraîner ainsi certaines d'entre elles n'ont pu bénéficier de temps d'exercice ce qui diminue naturellement leur niveau d'interopérabilité.

Des engagements internationaux pour une meilleure efficacité

Pour entraîner sa force amphibie, la France s'appuie sur deux axes - en plus du programme national :
Tout d'abord les engagements bilatéraux et en premier lieu avec les Etats-Unis. C'est dans ce cadre que s'est déroulé l'exercice Bold Alligator, le plus gros de ces dernières années avec près de 16000 hommes engagés, 30 navires et 150 aéronefs. Cependant les Américains utilisent peu les normes OTAN limitant ainsi l'interopérabilité et qui conduit les Français à agir davantage en soutien d'une opération US.




L'autre échange privilégié se fait avec le Royaume-Uni dans le cadre du partenariat initié par David Cameron et Nicolas Sarkozy fin 2010. Un gros effort d'harmonisation est en cours pour permettre une meilleure coopération. Cet accord intéresse particulièrement les Britanniques car il leur permet de conserver un savoir-faire porte-avion (le groupe aéronaval étant un élément essentiel pour la mise en place d'une force amphibie) au moment où ils s'en trouveront privés. La Royale peut quant à elle combler ses quelques lacunes capacitaires en matière logistique notamment grâce aux moyens dont dispose la Royal Navy. 

Et l'Europe alors? 
 
Néanmoins la volonté affichée par Jean-Yves Le Drian de relancer la défense européenne pourrait inciter à freiner sur cette coopération trans-Manche au profit de l'Initiative Amphibie Européenne.


crédit inconnu
 

Cette dernière est le deuxième axe sur lequel s'appuie la France pour entraîner et améliorer sa capacité amphibie. Cette structure rassemble actuellement cinq pays: France, Angleterre, Espagne, Italie et Pays-Bas. La volonté est à l'élargissement et l'Allemagne a acquis un statut de membre associé. Cette initiative repose sur la réalisation (planification et conduite) d'exercice de manoeuvre amphibie comme ce fut le cas en 2010 avec Emerald Move, le prochain devant avoir lieu en Espagne en 2013 Flotex. Cependant, la situation financière des différents pays participants ne les incite pas à postuler pour prendre à leur charge la préparation d'exercices  pourtant nécessaires à une vraie synergie européenne. Ce manque de volonté se traduit par l'absence de définition d'un contrat opérationnel pour cette Initiative Amphibie Européenne qui l'obligerait.
Paradoxalement, l'argent pourrait être un des principaux obstacles à surmonter pour le ministre de la défense dans sa volonté de relancer une défense européenne. Pourtant cette collaboration est aujourd'hui nécessaire car si la France dispose encore aujourd'hui de moyens de projection amphibie performant, certaines lacunes se font d'ores et déjà ressentir tels que les capacités d'appui feux de la Marine Nationale aux actions au sol.  C'est un des enseignements de l'opération Harmattan et l'équipement de canons de plus faible diamètre sur les nouvelles frégates multi-missions  (76mm au lieu de 100 mm) ne devrait pas corriger ce déficit.

mercredi 18 avril 2012

Guide du bon usage des médias sociaux, communication opérationnelle et lien armée-nation


Le 5 avril 2012, le ministère de la défense via la délégation à l’information et à la communication de la défense a mis en ligne le guide du bon usage des médias sociaux. L’annonce de cette diffusion a été plutôt bien relayée par les différents médias intéressés par le domaine de la défense non sans formuler un certain nombre de critiques ; la principale demeurant l’arrivée tardive de ce guide au regard de ce que le département de la défense américain avait déjà réalisé depuis bien longtemps. Certes, cette réflexion écrite aurait pu déboucher plus tôt mais il faut tout de même préciser que l’institution n’a pas attendu ce guide pour sensibiliser ses hommes quant à l’usage de ces réseaux sociaux. Conscient, des risques liés à une mauvaise utilisation des nouvelles technologies de nombreuses unités ont réalisé des informations sur celles-ci et notamment avant des départs en opération pour éviter la divulgation d’opérations ou encore l’effet du caporal stratégique. La parution aujourd'hui de photographies montrant des soldats américains posant avec des "restes" d'insurgés est un des plus récents exemples, l'impact de ce type d'image est désastreux et met à mal l'excellent travail effectué sur le terrain durant de longs mois.



La démarche de ce guide est néanmoins vertueuse puisqu’il s’agit non pas d’interdire ou de réglementer (ce qui s’avère extrêmement compliqué) l’usage des réseaux sociaux par les militaires mais bien de les aider dans leur pratique individuelle comme institutionnelle à se poser les bonnes questions avant de publier sur internet où le droit à l’oubli n’est qu’illusion. Certains ont également pu trouver ce guide simpliste mais la population cible étant si hétérogène – du soldat au général en passant par l’organisme ou la famille du militaire – qu’il est bien difficile de rentrer davantage dans la technique.
Au final, les prescriptions souvent génériques du guide du bon usage des réseaux sociaux font appel au bon sens et à la responsabilité des individus. Si le métier militaire possède des spécificités et notamment le devoir de réserve et l’obligation de discrétion, la plupart des conseils peuvent s’appliquer au citoyen utilisant ces mêmes réseaux au quotidien.

Je choisis l’option défensive

La réalisation de ce guide ainsi que les différents sites, pages Facebook, comptes Twitter etc. du ministère de la défense démontre que ce dernier a pris la mesure de l’importance des réseaux sociaux. Cependant, il semble que les armées s'orientent davantage sur une démarche défensive - voire craintive - de peur sans doute de faire des erreurs pourtant déjà commises comme le souligne Jean-Marc Tanguy sur son blog: le guide du faites ce que je dis pas ce que je fais.
Et pourtant, les nouvelles technologies offrent des opportunités à moindre coût pour la communication opérationnelle car dans la bataille sur les perceptions l’ennemi, même au fin fond de l’Afghanistan, ne doit pas être sous estimé. Les Talibans usent des forums et des réseaux sociaux pour mettre en exergue leur action comme ce fut encore le cas lors des attaques coordonnées de dimanche dernier. Depuis quelques mois, L’ISAF s’est adaptée en contrant les informations données par les insurgés notamment sur Twitter. Cette réactivité fait encore défaut aux organismes de la défense ainsi alors qu’un correspondant de la BBC annonçait que le camp Warehouse était attaqué et que les soldats français en charge de sa protection faisait le coup de feu (pendant plus de deux heures tout de même), il fut impossible d’obtenir des informations du ministère de la défense avant la toute fin de journée et ce malgré la demande réitérée de journalistes tels que Philippe Chapleau de Ouest France. 
Bien évidemment, il s'agit d'éviter de donner des informations non vérifiées ou qui pourraient inquiéter les familles mais bien de maîtriser cette information afin d'éviter de possibles extrapolations.


Bien sur internet bien dans sa ville


Pour obtenir cette réactivité en opération, il est nécessaire de se préparer dès la base arrière. En effet, une audience (abonnés, followers, etc.) ne se crée pas du jour au lendemain, il est donc nécessaire de développer la présence sur les réseaux sociaux dès que possible. Cela est néanmoins facilité par la demande réelle pour les comptes d’organismes de défense comme le prouve le nombre d'abonné toujours croissant aux pages ou compte de la défense. Chaque unité, régiment etc. pourrait développer sa page Facebook ou son compte Twitter pour parler de ses actions, son rôle, sa place dans la ville au quotidien. Au moment où l’on estime le lien armée nation de plus en plus ténu, cette démarche simple pourrait concourir à son renforcement sans demander un investissement matériel et humain exhorbitant. Cette audience "captive" pourra ensuite suivre le régiment de sa ville lorsqu'il sera en opération, témoignant de son action et participant ainsi à la compréhension de l'intervention française. 

crédit Defense.gouv.fr

Après avoir rédigé ce guide, la DICOD et le ministère de la défense pourrait donc se pencher sur un guide interne au profit de la communication opérationnelle pour que cette dernière utilise au mieux les opportunités données par les réseaux sociaux au profit des forces armées, "n'ayez pas peur"!

A lire également, dans le même esprit et plus complet le billet de Mars Attaque:

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