mercredi 4 juillet 2012

Une armée de secouristes

87 morts et plus de 700 blessés, tel est le dernier bilan - sans doute pas définitif malheureusement - des opérations menées par l'armée française en Afghanistan. Depuis 2008, les pertes ont sensiblement augmenté, reflétant l'implication croissante de la France dans le pays. Les troupes déployées à Kaboul et essentiellement dans la province de Kapisa sont depuis lors confrontées régulièrement aux attaques des insurgés et notamment durant l'été, période durant laquelle les prises à partie sont quasi quotidiennes - hors des pauses opérationnelles décrétées par le pouvoir politique.

Le service de santé des armées (SSA) en action
L'intensité des actions de feu a rapidement conduit au déploiement des moyens performants du SSA. Un hôpital de campagne est installé sur l'aéroport de Kaboul ou Kabul International Airport (KAIA) - il était situé sur le camp de Warehouse avant 2008. Très bien équipé, les médecins et chirurgiens qui y servent peuvent pratiquer un grand panel d'opérations chirurgicales. Précisons ici que cet hôpital reçoit  et permet de soigner aussi bien des membres de la coalition - civils comme militaires - des civils afghans mais aussi des insurgés le cas échéant.

HMC KAIA crédit: defense.gouv
 
Lorsque l'état du blessé le nécessite ou que le nombre de patient à traiter est élevé, les soignants de KAIA stabilisent et préparent les soldats à leur rapatriement. L'évacuation vers la France peut être très rapide - dans les 24 heures - grâce au dispositif MORPHEE ou à des Falcon médicalisés. Les blessés sont ensuite pris en charge par l'hôpital militaire de Percy et ses spécialistes.
Cette chaîne médicale  qui comprend également les infirmiers et brancardiers secouristes des unités, s'avère  performante et a déjà fait la preuve à maintes reprises de son efficacité. Elle permet de sauver bon nombre de situation extrêmement compliquées, donnant l'opportunité aux blessés de se reconstruire comme dans le cas du sergent-chef Truchet. Bien qu'ayant été amputé d'une jambe, il a réussi l'exploit de gravir l'aiguille du midi.


Un premier maillon essentiel
Le premier maillon de cette chaîne n'appartient cependant pas au SSA. Fort logiquement, les armées ont rendu obligatoire le suivi de la formation prévention et secours civiques de 1er niveau (PSC1) dans chaque cursus. Bien évidemment, cette qualification civile s'avère insuffisante pour traiter les blessures du champ de bataille. C'est pourquoi, le SSA, en lien avec le commandement des forces terrestres (CFT), a défini une formation au secourisme de combat à deux niveaux. Le deuxième niveau s'adresse aux auxilliaires sanitaires alors que le premier niveau - qui nous intéresse - concerne chaque combattant. Cette formation leur permet de réagir au mieux aux blessures occasionnées par le combat, fusillade, IED, etc. Et ce sont ces premiers réflexes qui souvent conditionnent les chances de survie des blessés. le geste approprié plutôt qu'une technique complexe, voilà la philosophie qui prédomine. Il s'agit de mettre à l'abri des combats par un dégagement d'urgence puis d'évaluer rapidement l'état du blessé: hémorragie, conscience, respiration, alerter par un message formaté et faire les tous premiers soins.

Dégagement d'urgence crédit: 13ème DBLE



L'urgence du combat a d'ailleurs remis au goût du jour l'utilisation du garrot pour toute hémorragie importante. Ce garrot dont la pose ne fait plus partie des formations initiales civiles (PSC1)  a, d'après une étude américaine , permis de décroître de près de 30% la mortalité des soldats souffrant d'une hémorragie. Partant du principe qu'il vaut mieux sacrifier un membre plutôt que de perdre la vie, le SSA équipe chaque soldat en opération d'un garrot tourniquet et d'une trousse individuelle du combattant contenant morphine, pansement compressif et autres antiseptiques.  
Pour être pleinement efficace, le secourisme au combat rappelle que ces gestes ne seront que plus utiles si l'on s'attache à rassurer en permanence le blessé, qui dans le contexte en aura bien besoin.

trousse individuelle du combattant - crédit inconnu

Syndrôme du Stress Post Traumatique

Il y a enfin ces cas où le secourisme de combat est inopérant. Néanmoins, le SSA sensibilise chaque combattant au syndrôme de stress post traumatique (SSPT) et aux symptômes qui y sont associés. Les Américains après la guerre du Vietnam ou encore les Israëliens après la guerre du Kippour ont défini qu'il faut compter environ deux blessés psychiques pour un blessé physique - lors de la guerre du Kippour 900 des 1500 premiers évacués du front étaient des blessés psychologiques.
ce SSPT est une pathologie particulièrement insidieuse. L'armée française a mis en place un sas de décompression à Chypre pour tenter de détecter les différents cas au retour d'Afghanistan. Cependant, l'une des meilleures façons de les percevoir reste la solidarité, celle qui au sein des armées doit inciter à s'intéresser à son frère d'armes et à savoir demander de l'aide pour eux. Tous secouristes donc...