lundi 20 février 2012

L'Allemagne et la tentation prussienne


Impliqué dans un scandale financier, le président allemand Christian Wulf a présenté sa démission le 17 février. C'est un rude coup pour la chancelière Angela Merkel qui avait usé de tout son poids pour le faire élire en 2010. Les négociations entreprises entre les différents partis ont abouti au choix de Joachim Gauck pour succéder à Wulf. N'étant affilié à aucun parti politique, il jouit d'une très bonne réputation, la chancelière l'ayant qualifiée de "professeur de la démocratie".  Cette popularité lui vient notamment de son passé d'opposant au régime communiste de l'ex-RDA car comme bon nombre de dirigeants allemands depuis 1990, ce pasteur luthérien vient d'Allemagne de l'Est.

Le poids de l'histoire

C'est sous le règne de Frédéric II (1712-1786) que la Prusse devient une vraie puissance politique et militaire. Elle ne fait ensuite que s'agrandir à l'exception de la période napoléonienne dont elle est néanmoins une des principales bénéficiaires en récupérant la Rhénanie et la Westphalie lors du congrès de Vienne. Suite à la guerre austro-prussienne de 1864-1866 puis la guerre franco-prussienne de 1870, Bismarck réalise l'unification allemande sous la férule de la Prusse et des Hohenzollern. C'est la "solution petite-allemande" et la fondation de l'Empire Allemand (deuxième du nom).


Drapeau du Royaume de Prusse jusqu'en 1918

Après la défaite de 1918, la Prusse devient un "simple" Land au sein de la République de Weimar quand bien même le plus important géographiquement et le plus touché par le traité de Versailles. Ayant adhéré au national-socialisme, la Prusse est ensuite intégrée au sein du IIIème Reich hitlérien mais la défaite de 1945 lui porte un coup fatal. Les vainqueurs à l'instar de Mirabeau estimant que la guerre est l'industrie nationale de la Prusse décide la fin du berceau du militarisme allemand en proclamant la dissolution de l'état prussien en 1947.

La Prusse (en bleu) en 1871

L'autre héritage de la Seconde Guerre Mondiale s'est évidemment la scission du pays entre la RFA et la RDA et si la seconde conserve Berlin comme capitale, l'Ouest rassemble les organes administratifs et exécutifs de la fédération à Bonn.

Réunification et nouveau déplacement du centre de gravité allemand vers l'Est

La déliquescence de l'URSS à la fin des années 80 permet d'envisager la réunification allemande. L'Ouest étant vainqueur à l'usure, la RDA semble davantage absorbée par la RFA dirigée par le chancelier Helmut Kohl qui supporte le coût astronomique de cette renaissance. Cependant, dès le jour de la réunification le 3 octobre 1990, Berlin redevient la capitale de l'Allemagne et après un vote extrêmement serré au Bundestag en juin 1991, la décision est prise d'y transférer les institutions de Bonn (une partie de celles-ci demeurent néanmoins dans l'ancienne capitale de la RFA).
La fin de l'empire soviétique est également l'occasion pour l'Allemagne de renouer avec ses attractions géopolitiques originelles en intervenant dès que possible dans la "Mitteleuropa". Ainsi au moment de la dislocation de la Yougoslavie, l'Allemagne est le premier pays à reconnaître la Croatie. C'est aussi dans cette région et pour la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale qu'elle intervient militairement en participant aux différentes forces d'interposition. Comme le note la revue Diplomatie dans un dossier consacré à l'Allemagne paru en mars 2011: "Depuis la chute de l'Union Soviétique, l'Allemagne s'est engagé dans un rapprochement auprès des pays d'Europe de l'Est afin de renouer avec l'ancienne sphère d'influence de la Prusse et de l'Autriche".

Puissance décomplexée

Bundeswehr en Afghanistan crédit: Reuters
L'image de la Prusse est fortement associée à l'armée. Celle de l'Allemagne réunifée connaît un véritable renouveau. Avec plus de 250000 militaires, la défense est redevenue un vecteur d'expression de la politique allemande. La Bundeswehr a ainsi été engagée dans plusieurs opérations extérieures, en Bosnie au sein de l'EUFOR, au Kosovo avec la KFOR ou encore dans la FINUL au Liban. L'Allemagne est également un des plus grands contributeurs de troupes au profit de l'ISAF en Afghanistan. C'est prêt de 6700 soldats qui étaient projetés en 2011 (moitié moins cependant que le contingent français à la même période).
L'industrie d'armement allemande n'est pas en reste car le pays est au 3ème rang des exportateurs d'armement avec comme principaux clients l'Autriche, les Etats-Unis, la Turquie et l'Espagne.

Angela Merkel devant le Reichstag en 2009 crédit: Associated Press

Pour nombre d'Allemands, la relation avec l'histoire prussienne s'est apaisée et on se réfère davantage à cette période avec une certaine fierté, une nostalgie prussienne comme il existe une nostalgie napoléonienne en France. L'arrivée au pouvoir de la chancelière Angela Merkel originaire de l'ex RDA a normalisé le rapport entre les deux Allemagnes. Le pays traverse l'actuelle crise mondiale grâce notamment à la rigueur (caractéristique toute prussienne également) imposée par sa dirigeante. Sûre de sa force économique, l'Allemagne affirme sa position sur l'Europe avec ou sans l'habituel partenaire français. Elle se veut moralisatrice contre les pays trop dispendieux. L'arrivée prochaine d'un président allemand originaire de l'Est, pasteur luthérien ne saurait mieux incarner la rigueur, l'austérité et la discipline, caractéristiques traditionnelles de la Prusse.


Source: ambitions allemandes http://www.scribd.com/doc/58526762/Ambitions-allemandes-Note-d-Analyse-Geopolitique-n%C2%B025

 

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