dimanche 5 février 2012

En attendant l'A400M, l'European Air Transport Command

Composante importante de l'autonomie capacitaire d'intervention d'un pays, le transport aérien militaire est une vraie problématique pour les armées françaises aujourd'hui. Contrairement aux Etats-Unis avec leurs gigantesques C-17 et aux Russes avec leurs non moins gigantesques Antonov 124, la France ne dispose pas de capacité de transport stratégique de fret ce qui l'oblige d'ailleurs à louer ce type d'avion pour approvisionner les théâtres d'opération comme l'Afghanistan via un contrat SALIS (Strategic Air Lift Interim Solution).

Tigre chargé à bord d'un ANTONOV crédit: defense.gouv.fr




une flotte aérienne en soins palliatifs

Dans le même temps, la flotte française d'avions de transport tactiques , particulièrement sollicitée, est vieillissante. Elle est principalement constituée de C-160 Transall dont les premiers exemplaires furent mis en service en 1967. Bien qu'il y ait eu un programme de remise à niveau au début des années 1990, la quasi totalité des appareils de ce type ont atteint leur limite de vie et les mécaniciens de l'armée de l'air font preuve d'une grande ingéniosité pour leur conserver du potentiel. Les C-130 Hercule, bien que plus récents sont eux aussi sur une courbe descendante et seul les CASA CN-235 tirent leur épingle du jeu mais leur capacité d'emport en passagers ou en matériel est bien plus faible que celle des deux précédents. 
Prévu pour renouveler la flotte aérienne française, l'A400M d'Airbus a connu de grandes difficultés de conception liées notamment aux volontés différentes des partenaires sur le projet. Les problèmes furent si nombreux que la réalisation de l'avion fut même remise en cause par Thomas Enders président d'Airbus. Aujourd'hui, les doutes sont levés mais le programme a connu un tel retard que l'armée de l'air devrait recevoir son premier avion en 2013 (la version pour les troupes aéroportées n'arriverait qu'en 2014); elle devrait donc se trouver face à un trou capacitaire majeur entre ses appareils vieillissants et l'arrivée du très moderne A400M.

A400M crédit: aviationnews.eu
L'anticipation du vide

Afin d'éviter ce handicap majeur, la France a tenté de pallier ce déficit de deux manières. Tout d'abord, le ministère de la défense a passé commande auprès de la société Casa (entreprise espagnole filiale d'EADS) de huit CASA CN-235 le 25 mars 2010. Mais comme je l'ai déjà mentionné, les capacités de cet appareil reste insuffisantes au regard du besoin des armées françaises.

EATC à Eindhoven crédit: Belgian defense

L'autre initiative prise par la France, c'est la création de l'European Air Transport Command avec l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique le 1er septembre 2010. Ce nouveau commandement opérationnel a pour mission de rationaliser l'emploi des moyens en transport aérien des quatre pays contributeurs. Ainsi les avions sont placés sous l'autorité de cet organisme basé à Eindhoven et non plus sous celle de leur commandement national. Cependant, certaines situations permettent aux Etats d'utiliser leurs avions à leur convenance telles que l'évacuation de ressortissants. L'EATC est sensé atteindre sa pleine capacité opérationnelle en juillet 2013 mais d'ores et déjà le résultat de la régulation des 170 avions (dont 80 allemands et 60 français) semble donner satisfaction. Lorsqu'un avion français se rend en Afghanistan, il peut revenir avec des soldats allemands évitant ainsi des voyages à vide. La France qui devait donc connaître de grandes difficultés dans son transport aérien tactique limite cette fragilité en échangeant notamment des heures sur ses A310 contre des heures sur Hercule ou Transall. Exemple tangible d'une capacité européenne de défense, l'EATC devrait attirer d'autres nations. L'Espagne et le Luxembourg se montraient intéressés en 2010. L'Angleterre qui a baissé sensiblement son budget de la défense, est également attentive aux résultats de cet organisme européen.

des Euros contre de l'autonomie?
Le principe coopératif mis en oeuvre au sein de l'EATC semble devoir se développer en période de crise. L'OTAN vient en effet d'annoncer l'achat de cinq drones dans le cadre du système Alliance Ground Surveillance financé par 13 des 28 pays membres et auquel l'Angleterre et la France s'associent sans le financer (ils participeront par la mise à disposition éventuelle de leurs propres moyens: respectivement Sentinel et Heron). 
Cette mutualisation pose dans les deux cas le problème de la priorité qui sera donnée et par qui, à l'emploi du matériel. La baisse des coûts obtenue par ce système implique donc la perte d'un peu d'autonomie mais se poser la question n'est il pas déjà un problème de riche dans notre situation économique?

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