Image positive et indifférence
Depuis les années 2000, les sondages montrent que près de 85% des Français ont plutôt une bonne image de la défense. S'il y a lieu de s'en réjouir, ces bons chiffres ne peuvent cacher une réalité que le lieutenant Nicolas Barthe a expérimenté à la sortie de son livre "engagé". Régulièrement questionné sur son livre et son expérience afghane, il s'est étonné non pas des a priori mais de la grande ignorance de la population et parfois même de la presse pour la chose militaire. Avec la fin de la conscription, le lien armées-Nation s'est peu à peu distendu et l'indifférence des Français n'est que ponctuellement interrompu par l'hommage rendu aux soldats morts en Afghanistan ou encore au 14 juillet (qui réunit au moins autant de Français que de touristes étrangers sur les Champs Elysées). Cette ignorance/indifférence se traduit également dans un autre sondage: près de 65% des personnes interrogées estiment que l'Etat devrait baisser en premier lieu ses dépenses en matière de défense en cette période de crise profonde.
Politique sans défense
L'Assemblée Nationale crédit: défense.gouv.fr |
Le chantier est donc grand pour que les Français s'intéressent à nouveau à leur défense dans un monde qui lui, en dehors de l'Europe, se réarme. Dans ce contexte, les armées sont en partie responsable du maintien du lien avec la Nation (ce qui se compliquera encore avec la baisse du budget communication décidée suite aux différents plan d'économie) et par souci d'efficacité, elles auraient tout intérêt à se préoccuper de la représentation nationale. En effet, émanation de la population française, les parlementaires, députés et sénateurs, sont eux aussi peu à peu déconnectés du monde militaire. Bien sûr, un grand nombre d'entre eux a pu faire son service national mais cela date déjà du "siècle dernier" et l'armée de conscription était bien différente de l'armée professionnelle actuelle confrontée à une grande variété de missions. La féminisation croissante et nécessaire des hémicycles, le renouvellement des générations de parlementaires font qu'ils n'auront bientôt plus que la journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD) pour se faire une idée sur les forces armées. De plus, les dernières réformes, notamment la création des bases de défense, ont contribué à créer de nouveaux "déserts militaires", ainsi de nombreux parlementaires n'ont plus aucune occasion de côtoyer de militaires dans leurs circonscriptions.
Bien sûr, il existe dans chacune des assemblées une commission défense, bien sûr chaque parlementaire ne peut pas être un expert de la chose militaire mais certaines questions posées ("avez-vous développé une réflexion sur l’emploi de l’arme blindée
cavalerie dans les futurs conflits en zone urbaine, qui pourraient
potentiellement avoir lieu sur le territoire national ?") lors d'audition des autorités militaires laissent parfois songeur comme le relevait il y a quelques temps le site Mars attaque.
Au regard de cette méconnaissance, il est moins surprenant de constater le peu d'empressement des parlementaires à débattre sur le livre blanc de la défense et de la sécurité nationale ou encore des opérations extérieures alors que ce débat notamment pour l'Afghanistan est nécessaire et souhaité par les militaires eux-mêmes.
Reprendre le contact
Des démarches existent pour familiariser nos parlementaires à la défense: visite des troupes sur les théâtres d'opérations, démonstrations de matériel et conférences avec l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN) mais cela reste anecdotique pour réellement porter ses fruits.
Visite du député Ph Folliot en Afghanistan crédit: defense.gouv.fr |
Aussi une des solutions (utopiste?) pourrait être la réalisation d'une période de découverte du milieu militaire pour chacun des parlementaires après son élection. Comme pour les préparations militaires découverte proposées aux jeunes Français, députés et sénateurs pourraient bénéficier d'une période d'immersion au sein des forces armées pour vivre le quotidien d'une caserne, d'un bâtiment de la Royale, d'une base aérienne. Ils auraient alors la possibilité de suivre des informations sur le fonctionnement de la défense, l'état des infrastructures et des matériels mis à la disposition des troupes. Cette immersion leur permettrait enfin de rencontrer les femmes et les hommes qui oeuvrent pour la défense de la France et de ses valeurs créant ainsi un lien concret avec les unités qui les ont accueillis.
Certes, cette proposition peut sembler irréaliste mais il faut néanmoins réfléchir aux actions à mener pour ne pas que le lien avec la représentation nationale se délite totalement. Puisque Clémenceau estimait que "la guerre est une chose trop grave pour être confiée aux militaires", il convient au moins que le politique connaisse ses outils pour la mener du mieux possible.
Plus qu'une immersion épisodique, ce serait pour chaque élu une période de formation Défense et Sécurité obligatoire étalée sur la législature
RépondreSupprimerL'immersion initiale donnerait le "fond de sac" et des rappels tout au long de la législature seraient sans aucun doute profitables effectivement!
RépondreSupprimerIdée intéressante. Mais il y a également une autre solution, complémentaire : la fin du devoir de réserve, la syndicalisation des militaires (sans le droit de grève quand même). On peut également imaginer envoyer un officier au conseil économique, social et environnemental.
RépondreSupprimerBon, après, vu l'intérêt général pour la chose militaire voire politique tout court, il y a du boulot.
c'est complètement utopiste en effet. Les troupes, en Afghanistan, se plaignent déjà du trop plein de délégations (généraux, journalistes, élus en touts genres), je ne vois pas trop l'intérêt de rajouter encore des couches. Pour celui (général, journaliste, élus en tout genre) qui veut comprendre, déjà, comment fonctionne l'armée, il y a pour cela de très belles bases, de beaux régiments, en France, avec déjà plein de choses à améliorer. Sans compter que les parlementaires qui ont le plus de production sur les armées, leur condition et leur équipement ne sont pas forcément ceux qui s'y font photographier. Les CR des commissions de défense sont publics et disponibles sur Internet, faites vous votres avis.
RépondreSupprimerJMT
Sans doute n'ai je pas été très clair dans mon billet. Il ne s'agit pas d'envoyer les parlementaires visiter les troupes en opérations qui sont déjà bien sollicitées mais bien de leur présenter la défense en les immergeant au sein d'une unité en France. J'ai bien conscience qu'un certain nombre de députés produisent beaucoup pour la défense mais ce petit article utopiste cherche davantage à faire réfléchir sur les possibilités de lutter contre le délitement du lien armée nation et notamment suite aux restructurations et aux nouveaux "déserts militaires". Merci pour votre commentaire mamouth leader, j'en suis flatté ;)
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