mercredi 20 juin 2012

Force amphibie et défense européenne

Faire des économies

C'est la crise ma bonne dame, on vous le dit depuis plus de quatre ans déjà! 
Les caisses sont vides et la dette pèse toujours plus sur les finances publiques. Dans ce contexte particulièrement morose, l'ensemble des ministères - l'éducation nationale dans une moindre mesure - doit participer à l'effort national. Cependant, dès la fin de l'élection présidentielle, plusieurs voix - Martine Aubry (PS), Jean-Vincent Placé (EELV) et Michel Rocard (PS) - se sont fait entendre pour que la défense contribue encore davantage à cette cure d'amaigrissement budgétaire. En cela, ils ne sont pas différents de la majorité des Français selon plusieurs sondages. Néanmoins, ces prises de position sont en décalage avec les déclarations du candidat et futur président François Hollande qui certifiait que la défense n'allait pas être la variable d'ajustement et qu'elle participerait ni plus ni moins à l'effort collectif. Et pour permettre au ministère de faire des économies, le nouveau ministre de la défense souhaite relancer le "serpent de mer" de la défense européenne toujours léthargique.
Il est vrai comme on a pu le voir avec l'EATC que la collaboration européenne permet de combler une lacune capacitaire ou de partager le coût de fonctionnement de matériels lourds.

Une vraie force amphibie française

Indice de la puissance militaire, la force amphibie et la capacité à déployer un corps expéditionnaire nécessitent d'important moyens. Et dans ce domaine, la France fait encore bonne figure grâce notamment à la livraison de trois BPC - Mistral, Tonnerre et Dixmude - et l'arrivée récente des Engins de Débarquement Amphibie Rapide EDA-R. Si on ajoute à cela un Transport de Chaland de Débarquement TCD et les Chalands de Transport de Matériel CTM, la France peut armer des groupes ou forces amphibies allant de 310 personnes avec 1 BPC  à une force de 1400 Hommes avec 3 BPC et 1TCD.

EDA-R crédit: défense.gouv
 

Les forces de débarquement sont fournies par la division aéromobile du commandement des forces terrestres, la 6ème Brigade légère Blindée et la 9ème Brigade d'Infanterie de Marine. La France a, en effet, opté pour l'interarmée en matière d'amphibie, à la différence des Etats-Unis notamment et de leurs Marines. Cela présente l'avantage d'un plus grand réservoir de troupe capable de réaliser ce type d'opération. L'inconvénient réside dans le nombre plus important d'unités à entraîner ainsi certaines d'entre elles n'ont pu bénéficier de temps d'exercice ce qui diminue naturellement leur niveau d'interopérabilité.

Des engagements internationaux pour une meilleure efficacité

Pour entraîner sa force amphibie, la France s'appuie sur deux axes - en plus du programme national :
Tout d'abord les engagements bilatéraux et en premier lieu avec les Etats-Unis. C'est dans ce cadre que s'est déroulé l'exercice Bold Alligator, le plus gros de ces dernières années avec près de 16000 hommes engagés, 30 navires et 150 aéronefs. Cependant les Américains utilisent peu les normes OTAN limitant ainsi l'interopérabilité et qui conduit les Français à agir davantage en soutien d'une opération US.




L'autre échange privilégié se fait avec le Royaume-Uni dans le cadre du partenariat initié par David Cameron et Nicolas Sarkozy fin 2010. Un gros effort d'harmonisation est en cours pour permettre une meilleure coopération. Cet accord intéresse particulièrement les Britanniques car il leur permet de conserver un savoir-faire porte-avion (le groupe aéronaval étant un élément essentiel pour la mise en place d'une force amphibie) au moment où ils s'en trouveront privés. La Royale peut quant à elle combler ses quelques lacunes capacitaires en matière logistique notamment grâce aux moyens dont dispose la Royal Navy. 

Et l'Europe alors? 
 
Néanmoins la volonté affichée par Jean-Yves Le Drian de relancer la défense européenne pourrait inciter à freiner sur cette coopération trans-Manche au profit de l'Initiative Amphibie Européenne.


crédit inconnu
 

Cette dernière est le deuxième axe sur lequel s'appuie la France pour entraîner et améliorer sa capacité amphibie. Cette structure rassemble actuellement cinq pays: France, Angleterre, Espagne, Italie et Pays-Bas. La volonté est à l'élargissement et l'Allemagne a acquis un statut de membre associé. Cette initiative repose sur la réalisation (planification et conduite) d'exercice de manoeuvre amphibie comme ce fut le cas en 2010 avec Emerald Move, le prochain devant avoir lieu en Espagne en 2013 Flotex. Cependant, la situation financière des différents pays participants ne les incite pas à postuler pour prendre à leur charge la préparation d'exercices  pourtant nécessaires à une vraie synergie européenne. Ce manque de volonté se traduit par l'absence de définition d'un contrat opérationnel pour cette Initiative Amphibie Européenne qui l'obligerait.
Paradoxalement, l'argent pourrait être un des principaux obstacles à surmonter pour le ministre de la défense dans sa volonté de relancer une défense européenne. Pourtant cette collaboration est aujourd'hui nécessaire car si la France dispose encore aujourd'hui de moyens de projection amphibie performant, certaines lacunes se font d'ores et déjà ressentir tels que les capacités d'appui feux de la Marine Nationale aux actions au sol.  C'est un des enseignements de l'opération Harmattan et l'équipement de canons de plus faible diamètre sur les nouvelles frégates multi-missions  (76mm au lieu de 100 mm) ne devrait pas corriger ce déficit.